À propos

« L’invisibilité de la blancheur, ça veut dire qu’il y a des gens, et il y a des gens de couleurs. Il y a des gens, et des gens latinos. Et les gens – juste les gens – se trouvent à être blanc, mais personne le remarque. » – john a. powell


Bienvenue dans une webfiction satirique qui inverse les rôles! Cette campagne de lutte contre les stéréotypes invite la population à démystifier les Blancs et leur culture exotique et étrange. Contrairement à l’idée répandue, « non, les Blancs ne sont pas tous pareils! »


« Moi j’ai un ami blanc! » a été coscénarisé par huit artistes de cultures diverses: atikamekw, anishnabe, haïtienne, tunisienne, congolaise, camerounaise et québécoise. L’histoire est racontée à travers une plateforme interactive et des capsules vidéo qui empruntent le look d’une campagne caritative. Des citoyens présentent leur « ami blanc » et racontent comment cette rencontre a provoqué une prise de conscience. Et si, au-delà de sa couleur de peau, chaque Blanc était avant tout une personne? 😉


Le processus de création était aussi un prétexte pour générer de l’échange interculturel. Plusieurs activités se sont ainsi déroulées entre Montréal et la région de Soulanges. Des personnes d’origine différente ont été jumelées pour réfléchir aux stéréotypes présents dans la société et aux façons de les défaire. Un volet scolaire a notamment permis à des élèves d’une école multiculturelle de Montréal d’être jumelés à des élèves de l’École secondaire Soulanges situé en milieu rural.


C’est quoi l’objectif du projet?

Au départ, il y avait ce constat applicable à toute société: le groupe majoritaire a le privilège de définir les “autres”. C’est lui qui colle des étiquettes et regroupe ces “autres” par catégorie homogène: les minorités ethniques, les gais, les Amérindiens, les pauvres, etc. Ce projet renverse les codes et plonge la majorité dans une situation où c’est à son tour d’être analysée, étiquetée et simplifiée. Les Blancs deviennent ainsi un bloc monolithique, qu’ils soient australiens, français, québécois ou autres. Ce qui peut être perçu comme un projet un peu… insolent envers les Blancs est au contraire une forme de cadeau. Ils ont enfin la chance d’expérimenter pendant quelques minutes ce que les personnes racisées vivent toute l’année. C’est gratuit, rapide et rigolo! 


Craignez-vous que certains ne trouvent pas ça rigolo justement? Qu’ils y voient du racisme inversé?

Il y a effectivement des Blancs qui pourraient être déstabilisés et c’est compréhensible. Comme il y a une inversion des rôles, c’est à leur tour d’être présentés comme une masse de personnes anonymes, alors qu’ils sont montrés d’habitude comme des individus distincts. Cette perte de privilège est certainement déstabilisant. L’auteur afro-américain Michael Harriot utilise des mots semblables pour expliquer comment de nombreux Blancs se sentent devant les mouvements tel que Black Lives Matter et Idle No More: « [Le racisme inversé ressenti par les Blancs] n’est que l’érosion de ce que j’appelle le “privilège de l’individualité”. Les Blancs ne sont pas habitués à être regroupés et définis par les actions des autres. Bienvenue dans le club! ».

Quant à la teneur humoristique du projet, une mise en contexte s’impose. La culture blanche produit depuis des siècles une quantité phénoménale de blagues et de termes péjoratifs sur les autres cultures. Celles-ci ne pourront jamais contre-attaquer avec un niveau de production qui rivalise avec la machine à blagues des Blancs. Et même si elles le pouvaient, elles auraient sûrement mieux à faire… 


Pourquoi utiliser le terme “culture blanche” alors que le concept n’a aucun fondement sociologique?

Pour être plus exact, on devrait effectivement parler de “culture occidentale blanche”, mais c’était trop long à écrire. On pourrait alors juste dire “culture occidentale”, puisque plusieurs comportements décrits sont adoptés aussi par des personnes racisées vivant en Occident. En effet, rêver d’avoir une maison sur le bord de l’eau (ou en avoir déjà une) n’est pas seulement l’apanage des Blancs. Pas plus que d’aller au théâtre, à l’opéra ou tout autre endroit qui coûte cher. Mais ces comportements exigent souvent de gagner un bon salaire, soit une condition plus fréquente en Occident chez les Blancs. Autrement dit, le terme “blanc” n’est pas tant utilisé ici pour désigner une couleur de peau que pour évoquer une position dans la pyramide sociale. 

Par ailleurs, le terme “culture blanche” est aussi un clin d’oeil coquin à ces raccourcis sémantiques qui sortent souvent de la bouche des Blancs: “culture autochtone”, “culture latino”, “culture asiatique”, etc. 


Pourquoi parler de “majorité blanche” alors qu’ils sont minoritaires dans le monde?

C’est vrai que les Blancs représentent moins de 15% de la population mondiale (1). Ils jouissent néanmoins d’une influence économique, politique et culturelle sur le reste du monde qui est semblable à celle d’une majorité, d’où l’utilisation du terme “majorité blanche”. 

La métaphore typique de cette hégémonie blanche dans le monde se trouve dans les diachylons. Ces pansements commercialisés par Band-aid sont dits de “couleur peau”, mais en fait ils sont de couleur rose pâle, comme la peau des Blancs. Alors que la grande majorité de la population mondiale a une peau foncée, Band-Aid a quand-même réussi à exporter plus de 100 milliards de ces diachylons depuis 1920. 

Un autre exemple en apparence anodin réside dans la façon dont les lentilles de caméra ont été développées. « Depuis les années 1920, la production cinématographique a été conçue pour le visage blanc, explique Nelly Quemener. Étudier ces normes blanches permet de comprendre pourquoi les Noirs “ressortent” moins bien à l’écran. » (2)  « Toute l’expérimentation (…) sur les propriétés chimiques des pellicules, la taille de l’ouverture, la durée de développement et la lumière artificielle n’avait donc pour autre objectif que de faire apparaître avec « exactitude » le visage blanc. » (3)

(1a) en.wikipedia.org/wiki/Demographics_of_the_world
(1b) ktwop.com/2014/07/26/the-changing-colour-of-the-world-population/
(2) liberation.fr/cahier-ete-2015/2015/08/28/les-blancs-une-majorite-invisible_1371285
(3) polirevue.files.wordpress.com/2015/07/poli_10_dyer.pdf


Le réalisateur du projet est un Blanc. N’est-ce pas incohérent?

La question est pertinente. Précisons que « Moi j’ai un ami blanc! » s’inscrit dans une série d’œuvres* initiées par le réalisateur Julien Boisvert. Ces projets sont développés le plus souvent dans un esprit de cocréation, soit en collectif, en milieu scolaire ou avec des communautés marginalisées. Ils sont réalisés AVEC les protagonistes et non SUR les protagonistes. Ces projets partagent une trame commune, soit de questionner les discours majoritaires. Julien et son équipe s’emploient ainsi à renverser le paradigme dominant en utilisant des éléments récurrents: l’humour, le pastiche, le web interactif et le médium de la vidéo.

Par ailleurs, la couleur de peau du réalisateur ouvre sur une autre question intéressante. Compte tenu de la fragilité légendaire des Blancs devant la critique, comment auraient-ils réagi si le projet avait été plutôt réalisé par une personne racisée? Certains auraient-ils fait des raccourcis et déduit que la rancoeur, voire le racisme inversé, était le moteur du projet? Espérons qu’un jour, les Blancs auront plus confiance en eux et tendront l’oreille à tout interlocuteur, peu importe qu’il soit blanc ou racisé. 

*Parmi les projets portés par la démarche de Julien Boisvert : la “conférence académique” intitulée « Démystifier l’hétérosexualité», la campagne humanitaire Parrainez un enfant riche et le projet The Square of Qallunaat réalisé en contexte inuit.


Le projet a été réalisé au Québec où les Blancs d’origine française sont majoritaires, mais en situation minoritaire à l’échelle du Canada. Quoi répondre à ces Blancs québécois qui se perçoivent comme un groupe discriminé avant tout et qui rejettent l’idée qu’ils puissent être un groupe discriminateur à leur tour?

Hmm, très longue question! Allons-y pour la réponse courte. Au risque de les décevoir, ce projet n’est pas consacré aux Blancs québécois. Non plus aux Blancs canadiens, ou américains, ou toute autre sorte. Leurs distinctions culturelles sont effacées pour former un tout homogène – la culture blanche – de la même façon qu’on supprime ces distinctions quand on parle de « la culture autochtone », « la culture africaine », etc. 


Scénarisation


Production vidéo

Réalisation Julien Boisvert
Direction-photo Colby Ollyndo
Assistance à la réalisation Geneviève B. Genest
Distribution / Casting Emna Achour, Mélanie Dumais, Yvon D’anjou, Dolino, Pierre-Olivier Parent, Jorge Humberto Gil Escobar, Caleb Amoussou, Olivier Bikoumou, Kijâtai-Alexandra Veillette-Cheezo, Natacha Marleau, Simon Marchand, Alexandre Nequado, Florent Thibodeau-Charlebois, Anastasia Marcelin, Julien Boisvert, Josépha Emmanuelle Bindzi
Montage image Boban Chaldovich 
Montage online / colorisation Pablo Perugorria-Del Gesso
Mixage audio Diego Betian


Cocréation en milieu scolaire et communautaire

École secondaire Soulanges
École Lucien-Pagé
Oasis des enfants de Rosemont
Professeurs Jean-François Blaizel, Stéphanie-Manon Galibois et Jean-François Leboeuf
Artiste invité Julien Boisvert


Diffusion web

Développement web Réseau Koumbit
Stratégie générale de diffusion KNGFU
Stratégie réseaux sociaux Ghassan Fayad
Gestion de communautés Cédric Gaillard Desrosiers
Marketing web Josépha Emmanuelle Bindzi
Sous-titrage Semantikos
Traduction web David Widgington


Remerciements

École secondaire Soulanges, Ville de Coteau-du-lac, Nadine Maltais, Karina DeNobriga, Mikana, Marwen Tlili, Lénine Nankassa Boucal, Zakari Yaou Hamza, Josiane Farand (L’art de capter), Jean-François Blaizel, Stéphanie-Manon Galibois, Jean-François Leboeuf, Stéphane Lahoud, Martine Gignac, Marie-Michèle Genest, Justin Berger, Evelyne Lafleur-Guy, Mathieu Ménard, Cadence O’Neal, Kama La Mackerel, Véro Leduc, Josué Bertolino, Geneviève Bouchard, L’Oasis des enfants, Vidéographe, Mathieu-Nicolas Boisvert, Fabienne Lord, Céline Lacerte, Yves Gélinas, Michel Boisvert, Louis St-Onge, Alex Vujacic, Jon Mitchell.

Ce projet s’inscrit dans le programme ​« Des ponts culturels d’une rive à l’autre » qui vise à favoriser les échanges entre citoyens et artistes à travers des projets de cocréation. Les citoyens de différentes municipalités participent à l’étape de l’idéation et/ou de la réalisation d’une œuvre collective alors que les artistes découvrent le territoire. Le programme vise ainsi à créer de véritables ponts culturels entre la métropole et les régions limitrophes.